Choisir entre une EURL et une SASU représente l’une des décisions les plus stratégiques pour un entrepreneur souhaitant créer une société unipersonnelle. Ces deux formes juridiques, bien qu’ayant des similitudes apparentes, présentent des différences fondamentales qui impactent directement votre fiscalité, votre protection sociale et vos perspectives de développement. L’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL) et la Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) offrent chacune des avantages spécifiques selon votre profil d’entrepreneur et vos objectifs à court et long terme. Une analyse comparative approfondie de ces statuts permet d’identifier celui qui correspond le mieux à votre projet entrepreneurial.

Régime fiscal et optimisation des prélèvements obligatoires

Imposition sur le revenu versus impôt sur les sociétés : mécanismes et taux applicables

La différence fiscale fondamentale entre l’EURL et la SASU réside dans leur régime d’imposition par défaut. L’EURL relève automatiquement de l’impôt sur le revenu (IR) lorsque l’associé unique est une personne physique, ce qui signifie que les bénéfices sont directement intégrés dans la déclaration fiscale personnelle de l’entrepreneur. Cette transparence fiscale présente l’avantage de permettre l’imputation des déficits sur le revenu global pendant six années consécutives.

À l’inverse, la SASU est soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés (IS), avec un taux réduit de 15 % sur la tranche de bénéfices allant jusqu’à 42 500 euros, puis 25 % au-delà. Cette distinction créé des opportunités d’optimisation fiscale différentes selon le niveau de rentabilité de votre activité. L’option pour l’IS en EURL ou pour l’IR en SASU permet toutefois d’adapter le régime fiscal à votre situation spécifique.

Flat tax sur les dividendes et prélèvement forfaitaire unique de 30%

Le traitement fiscal des dividendes constitue un enjeu majeur dans le choix entre EURL et SASU. En SASU, les dividendes versés à l’associé unique ne supportent aucune cotisation sociale et sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, répartis entre 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. Cette flat tax peut être remplacée par l’option pour le barème progressif avec un abattement de 40 %.

En EURL soumise à l’IS, la situation diffère significativement : les dividendes excédant 10 % du capital social augmenté des primes d’émission et des sommes versées en compte courant d’associé sont assujettis aux cotisations sociales au même titre qu’une rémunération. Cette particularité réduit considérablement l’attractivité de la distribution de dividendes importants en EURL.

Déductibilité de la rémunération du dirigeant et charges sociales

La déductibilité de la rémunération du dirigeant varie selon le statut juridique et le régime fiscal choisi. En SASU à l’IS, la rémunération du président est entièrement déductible du bénéfice imposable de la société, ce qui permet une optimisation de l’impôt société. Cette déduction s’accompagne toutefois de charges sociales importantes, représentant environ 80 % de la rémunération nette.

En EURL à l’IR, la rémunération du gérant ne constitue pas une charge déductible puisque les bénéfices sont directement imposés au nom de l’associé unique. Cette différence fondamentale influence directement les stratégies de rémunération et d’optimisation fiscale disponibles dans chaque structure. L’option pour l’IS en EURL permet de récupérer cette déductibilité, mais modifie l’ensemble du schéma fiscal.

Régime micro-fiscal BIC et seuils de franchise en base de TVA

L’EURL présente l’avantage unique de pouvoir bénéficier du régime micro-fiscal BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux) sous certaines conditions. Ce régime simplifié permet de bénéficier d’un abattement forfaitaire pour frais professionnels de 71 % pour les activités d’achat-revente ou 50 % pour les prestations de services, dans la limite de seuils de chiffre d’affaires spécifiques.

Concernant la franchise en base de TVA, les deux structures peuvent en bénéficier selon les mêmes critères : 91 900 euros de chiffre d’affaires annuel pour les activités de vente et 36 800 euros pour les prestations de services. Cette franchise constitue un avantage concurrentiel non négligeable pour les entreprises démarrant leur activité, en simplifiant leurs obligations déclaratives et en réduisant leurs prix de vente.

La maîtrise des mécanismes fiscaux propres à chaque statut permet d’optimiser significativement la charge fiscale globale de l’entrepreneur, pouvant représenter plusieurs milliers d’euros d’économies annuelles.

Statut social du dirigeant et protection sociale

Affiliation au régime général de la sécurité sociale pour le président de SASU

Le président de SASU bénéficie du statut d’assimilé salarié et relève du régime général de la Sécurité sociale. Cette affiliation lui confère une protection sociale étendue, comparable à celle d’un salarié cadre, incluant l’assurance maladie-maternité, les accidents du travail, l’invalidité et la retraite de base et complémentaire. L’absence d’assurance chômage constitue la seule différence notable avec le statut salarié classique.

Cette protection renforcée s’accompagne de cotisations sociales élevées, représentant environ 80 % de la rémunération nette versée. Toutefois, l’absence de rémunération entraîne l’absence de cotisations sociales , contrairement au régime TNS de l’EURL qui impose des cotisations minimales. Cette caractéristique peut s’avérer stratégique pour les entrepreneurs en phase de développement de leur activité.

Cotisations RSI et régime des travailleurs non-salariés en EURL

Le gérant associé unique d’EURL relève du régime des travailleurs non-salariés (TNS) et cotise auprès de la Sécurité sociale des indépendants (SSI, ex-RSI). Ce régime se caractérise par des cotisations sociales représentant environ 45 % de la rémunération nette, soit près de la moitié des charges supportées par un président de SASU.

La contrepartie de cette économie réside dans une protection sociale plus limitée, notamment en matière de retraite complémentaire et d’indemnités journalières maladie. Les cotisations minimales annuelles, d’environ 1 200 euros, sont dues même en l’absence de rémunération. Cette particularité peut peser sur la trésorerie des entrepreneurs en début d’activité, mais garantit le maintien des droits sociaux de base.

Calcul des cotisations URSSAF et assiette sociale sur rémunération

Le calcul des cotisations sociales diffère fondamentalement entre les deux statuts. Pour le président de SASU, les cotisations sont calculées sur la base de la rémunération brute versée, selon les taux et plafonds du régime général. La déclaration sociale nominative (DSN) mensuelle est obligatoire, impliquant une gestion administrative plus lourde mais aussi plus précise.

En EURL, les cotisations du gérant TNS sont calculées sur la base des revenus professionnels déclarés, incluant la rémunération et, le cas échéant, la part de dividendes soumise à cotisations sociales. La régularisation annuelle des cotisations provisionnelles peut générer des compléments ou des remboursements significatifs, nécessitant une gestion prévisionnelle rigoureuse de la trésorerie.

Droits à la retraite AGIRC-ARRCO et complémentaire obligatoire

La différence de protection sociale se manifeste particulièrement au niveau des droits à la retraite. Le président de SASU cotise automatiquement aux régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, bénéficiant ainsi d’une pension de retraite plus avantageuse. Ces cotisations, bien qu’élevées, garantissent l’acquisition de points de retraite selon un système de répartition éprouvé.

Le gérant d’EURL cotise uniquement auprès du régime de retraite des indépendants, moins généreux que les régimes complémentaires de salariés. Pour compenser cette différence, il peut souscrire des contrats de retraite supplémentaire de type Madelin, déductibles fiscalement dans certaines limites. Cette approche volontariste nécessite une démarche proactive mais permet une personnalisation de la couverture retraite.

Critère EURL (TNS) SASU (Assimilé salarié)
Taux de cotisations sociales ≈ 45% du net ≈ 80% du net
Cotisations minimales ≈ 1 200€/an Aucune sans rémunération
Retraite complémentaire Régime des indépendants AGIRC-ARRCO
Indemnités journalières Conditions restrictives Conditions favorables

Modalités de constitution et formalités administratives

Capital social minimum et apports en numéraire ou en nature

Les deux structures n’exigent aucun capital social minimum légal, permettant une constitution avec un euro symbolique. Cependant, les modalités de libération des apports diffèrent : l’EURL impose la libération d’au moins un cinquième des apports en numéraire à la constitution, tandis que la SASU exige la moitié. Cette différence peut influencer les besoins de trésorerie initiaux de l’entrepreneur.

Les apports en nature suivent les mêmes règles dans les deux structures : ils doivent être libérés intégralement à la constitution et évalués par un commissaire aux apports si leur valeur excède 30 000 euros ou représente plus de la moitié du capital social. Cette évaluation professionnelle protège l’entrepreneur contre les risques de surévaluation et garantit la sincérité des comptes sociaux.

Rédaction des statuts constitutifs et clauses statutaires obligatoires

La rédaction des statuts présente des différences marquées entre les deux structures. Les statuts d’EURL sont largement encadrés par les dispositions légales applicables aux SARL, laissant peu de marge de manœuvre pour les adaptations spécifiques. Cette standardisation présente l’avantage de la sécurité juridique et de la simplification des formalités.

Les statuts de SASU offrent une liberté contractuelle beaucoup plus étendue, permettant d’adapter l’organisation et le fonctionnement de la société aux besoins spécifiques de l’entrepreneur. Cette flexibilité statutaire facilite notamment l’anticipation de l’évolution vers une structure multi-associés et l’intégration de mécanismes de gouvernance sophistiqués. Toutefois, elle nécessite une expertise juridique plus approfondie pour éviter les écueils rédactionnels.

Publication au journal officiel des annonces civiles et commerciales

La publication d’une annonce légale au journal officiel des annonces civiles et commerciales (JOAFE) ou dans un journal d’annonces légales habilité constitue une obligation commune aux deux structures. Cette publication, d’un coût moyen de 125 euros, doit respecter un contenu réglementaire précis incluant la dénomination sociale, la forme juridique, le montant du capital, l’objet social, l’adresse du siège social et l’identité du dirigeant.

Les modifications statutaires ultérieures nécessitent également une nouvelle publication, générant des coûts récurrents qu’il convient d’anticiper dans la gestion administrative de la société. La dématérialisation progressive de ces formalités tend à simplifier les démarches tout en maintenant les exigences de publicité légale.

Immatriculation au registre du commerce et des sociétés

L’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS) marque la naissance juridique de la société et son acquisition de la personnalité morale. Cette formalité, désormais centralisée via le guichet unique électronique, implique des frais de greffe identiques pour les deux structures, soit 37,45 euros pour une société commerciale.

Le dossier d’immatriculation comprend les statuts signés, l’attestation de dépôt des fonds, l’attestation de parution de l’annonce légale et diverses déclarations réglementaires. La qualité du dossier conditionne la rapidité de l’immatriculation , généralement effectuée sous une semaine en l’absence d’anomalie. L’obtention de l’extrait Kbis officialise l’existence de la société et permet l’ouverture du compte bancaire professionnel.

Une préparation minutieuse des formalités de constitution évite les retards d’immatriculation et permet de débuter l’activité dans les meilleures conditions administratives et financières.

Gouvernance et prise de décision dans l’entreprise

La gouvernance d’entreprise diffère sensiblement entre l’EURL et la SASU, reflétant leurs origines juridiques distinctes. L’EURL, dérivée de la SARL, impose un formalisme décisionnel plus rigide avec l’obligation de tenir une assemblée générale annuelle pour l’approbation des comptes, même avec un associé unique. Cette procédure, bien qu’apparemment contra

dictoire, garantit une traçabilité des décisions et une sécurisation juridique des actes de gestion.

La SASU offre une liberté organisationnelle remarquable, permettant de définir librement dans les statuts les modalités de prise de décision. L’associé unique peut déléguer certains pouvoirs au président ou conserver l’intégralité du pouvoir décisionnel. Cette flexibilité permet d’adapter la gouvernance aux évolutions de l’entreprise et facilite l’intégration future de nouveaux associés sans refonte statutaire majeure.

La rapidité de prise de décision constitue un avantage concurrentiel dans les deux structures, l’associé unique n’ayant pas à gérer de conflits d’intérêts ou de blocages décisionnels. Cependant, cette concentration du pouvoir impose une vigilance accrue quant à la régularité des décisions et leur conformité aux intérêts sociaux de l’entreprise.

Transmission et cession de parts sociales

La transmission d’une EURL s’effectue par cession de parts sociales, procédure encadrée par les dispositions légales de la SARL. La cession à un tiers nécessite l’accord de l’associé unique, qui s’exprime naturellement par sa propre décision. Les droits d’enregistrement s’élèvent à 3% du prix de cession après application d’un abattement de 23 000 euros, ce qui peut représenter un coût fiscal significatif lors de transactions importantes.

En SASU, la transmission s’opère par cession d’actions, bénéficiant d’un régime fiscal plus favorable avec des droits d’enregistrement de seulement 0,1% du prix de cession. Cette différence substantielle peut influencer la valorisation de l’entreprise et sa capacité d’attraction pour d’éventuels acquéreurs. La libre cessibilité des actions, sauf clause statutaire contraire, facilite également les opérations de transmission.

Les modalités de valorisation diffèrent également : les parts sociales d’EURL font souvent l’objet d’une approche patrimoniale, tandis que les actions de SASU peuvent bénéficier d’une approche plus financière, notamment en présence de clauses d’earn-out ou de mécanismes d’intéressement. Cette différence d’approche peut impacter significativement le prix de cession et les modalités de négociation avec les acquéreurs potentiels.

La planification successorale nécessite une anticipation dès la création de la société, le choix du statut juridique influençant directement les coûts et modalités de transmission future.

Responsabilité juridique et patrimoniale du dirigeant

La responsabilité civile du dirigeant présente des contours similaires dans les deux structures, limitée aux apports réalisés dans le cadre normal de la gestion sociale. Cependant, cette limitation connaît des exceptions importantes en cas de faute de gestion, d’infraction fiscale ou sociale, ou de procédure collective. Le dirigeant peut alors voir sa responsabilité personnelle engagée sur ses biens propres.

La responsabilité pénale du dirigeant s’applique identiquement dans les deux statuts, notamment en matière de droit du travail, de fiscalité et d’environnement. Les sanctions peuvent inclure des amendes, des peines d’emprisonnement et des interdictions de gérer. Une vigilance particulière s’impose concernant le respect des obligations déclaratives et le paiement des cotisations sociales, domaines particulièrement surveillés par les autorités.

La souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle constitue une protection indispensable, couvrant les dommages causés aux tiers dans l’exercice de l’activité professionnelle. Cette assurance, dont le coût varie selon le secteur d’activité et le chiffre d’affaires, peut être complétée par une garantie de protection juridique couvrant les frais de défense en cas de litige.

L’extension de responsabilité peut également résulter de garanties personnelles accordées aux banques ou fournisseurs, neutralisant partiellement l’avantage de la responsabilité limitée. Une gestion rigoureuse de ces engagements personnels s’impose pour préserver la protection patrimoniale offerte par la structure sociétaire, qu’il s’agisse d’une EURL ou d’une SASU.

Aspect de la responsabilité EURL SASU
Responsabilité sur apports Limitée au capital social Limitée au capital social
Faute de gestion Responsabilité personnelle Responsabilité personnelle
Infractions fiscales/sociales Sanctions personnelles Sanctions personnelles
Assurance RC obligatoire Selon activité Selon activité